<h2><strong>LES NAVÉTANES : UNE COMPÉTITION À RÉSERVER AUX -23 ANS ?</strong></h2><p>C'est l'été ! La saison des pluies a débuté annonçant les grandes vacances et la majorité de notre jeunesse, surtout masculine, n'a qu'une idée en tête : LES NAVÉTANES. Il n'y a pas une activité communautaire plus ancrée et partagée au Sénégal que les Navétanes. Tous les sénégalais ont d'une manière ou d'une autre eu des accointances avec ces activités sportives et culturelles de vacances. Le football qui en est l'activité phare s'adjuge la part belle en termes de visibilité, de finances, d'aura et de popularité.</p><p> </p><blockquote><h3><strong>CONJONCTURES ACTUELLES : SIGNAUX AU ROUGE</strong></h3></blockquote><p>Cependant, force est de constater que le Navétane est en train de perdre de son lustre d'antan à l'instar des autres activités de grandes vacances comme la lutte ou les oscars de vacances. Pour dire vrai, les Navétanes ne font plus rêver. En plus du manque d'infrastructures qui biaise le bon déroulement des compétitions dans différentes zones, les Navétanes jouent de moins en moins ce rôle de tremplin vers les sommets internationaux dans la carrière des jeunes talents à la recherche de lieu d'expression de leurs prouesses techniques et de débouchés ou de tests pouvant aboutir à des contrats pros. À cela s’ajoute la violence quasi systémique qui s'est finalement insérée dans les mœurs de la compétition citoyenne.</p><p> </p><blockquote><h3><strong>VÉTUSTÉ OU INEXISTENCE DES INFRASTRUCTURES </strong></h3></blockquote><p>Bien que l’époque des matchs officiels de l'équipe nationale joués à l'étranger soit révolue depuis l’inauguration du stade Abdoulaye Wade, les difficultés de l'Etat sénégalais en matière d’infrastructures sportives sont toujours d'actualité avec des stades municipaux en chantier depuis des années, dépassant largement leurs délais de livraisons, ou encore des infrastructures qui sont refermées juste après ouverture pour cause de non-conformité aux exigences techniques et sécuritaires... l'Organisation Nationale pour la Coordination des Activités Vacances (ONCAV) et les antennes régionales et départementales, en spectateurs attristés, s'arrogent le rôle de la constatation.</p><p> </p><blockquote><h3><strong>LES NOUVELLES RÉALITÉS DU FOOT-BUSINESS</strong></h3></blockquote><p>L'émergence de nouveaux centres de formation pour footballeurs et les structures de sport-études ont fait que le Navétane n'est plus l'endroit de premier choix pour repérer les meilleurs talents avec les bonnes prédispositions pour faire une carrière pro. En plus d'offrir un environnement propice à la performance avec des infrastructures qui feraient rêver nos plus grands clubs nationaux, leurs partenariats avec des clubs européens et leur garanties juridiques font qu'ils se sont très tôt démarqués des Navétanes qui représentent le niveau le plus bas de la ligue amateure du pays. Malgré tout, les Navétanes demeurent ce grenier de talent qui ne s'estompe jamais autant pour la ligue professionnelle que les recruteurs des clubs étrangers en passant par ces centres de formation même.</p><p> </p><blockquote><h3><strong>LIEU D'EXTÉRIORISATION DE LA TENSION SOCIALE ACTUELLE</strong></h3></blockquote><p>Ainsi nous arrivons à la question la plus caricaturale : la violence et l'insécurité. A l'image de ce qui s'observe dans le pays, tous les rassemblements sont devenus un prétexte pour une délinquance juvénile de sévir à travers des mouvements de foules ponctués de vols à l'arrachée, d’agressions et d’intimidations à l'arme blanche, de coups et blessures... Au temps de nos parents, la rivalité entre ASC qui se réglait par des chants et des danses des plus ingénieuses et inspirées pour jeter l'opprobre sur ses rivaux trouvait maintenant les jets de pierres, les coups de poings et les invectives comme unique dénouement possible.</p><p> </p><h3><strong>LES NAVÉTANES : UNE AFFAIRE DE TOUS</strong></h3><p>Ces malheureux incidents contribuent grandement à saper la beauté de cette compétition qui rassemblait toutes les sensibilités du quartier, des vieillards dépositaires de ce leg aux plus jeunes à qui reviendra le flambeau, sans oublier les femmes et les jeunes filles pour finir avec les jeunes hommes laissant libre cours à leur masculinité sur le terrain. De l'imam du quartier qui procure les prières pour une victoire éclatante, au cadre ou commerçant du quartier sur qui on compte pour la collecte de fonds, personne n'est épargné.</p><p> </p><h3><strong>UN HÉRITAGE À PRÉSERVER À TOUT PRIX</strong></h3><p>Et au vu de tout cela, nous qui avons grandi dans cette atmosphère conviviale et bon enfant, devons la préserver pour les générations futures. C'est pourquoi proposer une réforme de l'âge de participation vient à son heure pour éviter le glissement dans l'oubli de ce patrimoine citoyen identitaire du Sénégal.</p><p>Le pays n'a que trop perdu de jeunes talents "déclenchés" car ces derniers n'avaient pas la force physique ni la témérité de rivaliser avec des joueurs trentenaires au crépuscule de leurs carrières. Limiter l'âge de participation aux Navétanes à 23 ans permettra de diminuer les enjeux de la compétition qui réveillera ainsi moins d'anciens traumatismes chez les joueurs dont les comportements sont souvent le point de départ des violences dans les tribunes. Les supporters diminuent d'ardeur par le même effet et augmentent du coup leur engagement du côté des jeunes de leur quartier qui seront leurs seuls possibles sauveurs en l'absence des "mercenaires". La précocité des joueurs va attirer au stade l’entourage familiale participant par conséquent à la pacification de l’espace public. La qualité de jeu s'en verra relevée avec un état d'esprit général moins va-t'en-guerre attirant du coup les vrais amoureux du ballon rond et les recruteurs. Beaucoup de jeunes de quartiers vont avoir plus de temps de jeu afin d'exprimer leur talent dans la catégorie senior. Cela impactera la catégorie inférieure des cadets qui permettra encore à beaucoup plus de jeunes de prendre très tôt leurs responsabilités. Cet effet boule de neige dont l’impact se fera ressentir jusqu’à la catégorie pupille garantira aux apprentis footballeurs leurs chances d'évoluer rapidement et de voir un club pro leur proposer un contrat. Il est du ressort de l'État et l'ONCAV de faire comprendre à sa jeunesse qui arrive à un certain âge que les Navétanes ne peuvent servir d'investissement à long terme et que le moment de passer le relai à leurs petits frères est venu pour ne pas leur faire de l'ombre. Au-delà de 23 ans, le championnat sera prêt à accueillir les plus talentueux et sérieux et le monde du travail va offrir d'autres activités qui puissent permettre au reste de vivre décemment et de gérer leurs familles à l'exemple de millions de sénégalais. </p><p>Un préalable sera de disposer d'un fichier d'état civil moins malléable en matière de jugement (réduction de l'âge) pour de ce fait permettre une égalité des chances pour chaque aspirant joueur professionnel.</p><p> </p><p> </p><h3><strong>ESPOIR D’UN NOUVEAU PARADIGME</strong></h3><p>Le football est devenu un véritable moteur de développement économique puisque nous avons eu à constater comment un joueur professionnel avec une belle carrière, à l’image de Sadio Mané, pouvait impacter positivement les conditions de vie de sa communauté. L'État peut y voir une opportunité de prolonger son rôle de faciliter le maximum de jeunes qui le souhaitent de parvenir à l'épanouissement par cette voie. </p><p> </p><h4><i>SEYDOU NDAO, AMATEUR FOOTBALL, FONDATEUR BEGG LIRE, INGENIEUR GEOLOGUE</i></h4>